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Nettoyage du campus Jussieu : Personne ne regrettera Arc-en-Ciel... À quoi peut-on s’attendre avec l’arrivée de SAMSIC ?

mardi 23 avril 2024

Les grèves du personnel de nettoyage sur deux campus parisiens (Jussieu et Tolbiac) en 2021 et 2022 ont mis en lumière les pratiques brutales et illégales du sous-traitant « Arc-en-Ciel Environnement », exploitant sans vergogne la situation de salariés qui sont majoritairement des femmes et/ou des migrants : travail sans contrat, licenciements abusifs, heures non payées, plannings non respectés, salaires au rabais et versés avec retard, défauts de cotisation employeur, matériel non adapté, intimidations et pressions quotidiennes des chefs et de leurs auxiliaires « syndicaux », etc.

Arc-en-Ciel avait obtenu le marché du nettoyage du campus pour la période de janvier 2021 à janvier 2025. Dès son arrivée à Jussieu, les conditions de travail, et par conséquent la propreté du campus, s’étaient rapidement dégradées. En 2023, sur 2721 contrôles effectués, 56 % ont conclu à des « prestations en défaut ». Aussi l’administration de SU nous informe que le marché a été rompu d’un commun accord au 1er avril 2024, ce qui a permis à SU comme à AEC de sortir d’une situation de blocage où la première payait pour une prestation qui n’était pas réalisée, tandis que la seconde se voyait contrainte de payer des pénalités exorbitantes. Ainsi, SU a fini par suivre, un peu tard, l’exemple des universités d’Aix-Marseille et Toulouse-Jean-Jaurès, qui ont prononcé des ruptures anticipées de marché avec Arc-en-Ciel ces dernières années.

Avec le nouveau marché, SU annonce avoir changé ses critères de choix en ne retenant pas l’entreprise moins-disante. Ainsi un nouveau prestataire, l’entreprise SAMSIC, a été désigné pour la période d’avril 2024 à janvier 2026, pour un nouveau marché estimé à 2,6 millions d’euros/an HT. La convention collective du nettoyage prévoit le maintien en poste des salariés concernés. Les services de la Faculté des Sciences annoncent mettre en place « des actions spécifiques de prévention », un cadre « favorisant le travail en journée », « des mesures sociales d’accompagnement des personnels », « un système de signalement et de prise en charge des risques », etc. Cela contraste heureusement avec les propos tenus en janvier 2022 par la présidente, qui affirmait que le rôle de SU en tant que donneur d’ordre devrait se limiter à « contrôler la bonne exécution de la prestation » fournie par le sous-traitant Arc-en-Ciel, sans interférer dans l’organisation du travail au sein de cette entreprise, et la sous-traitance serait « un partenariat gagnant-gagnant » permettant à SU de « dégager des marges de manœuvre budgétaires, pour se concentrer sur le cœur de nos missions » (voir ici).

En affirmant qu’elle ne retenait pas l’entreprise moins-disante, SU a implicitement reconnu qu’elle ne peut pas dissocier la qualité de la prestation et les conditions de travail des salarié-es des entreprises prestataires. C’est une victoire indéniable que nos collègues du nettoyage ont arrachée par la grève et par leur opiniâtreté à obtenir justice devant les conseils de prud’hommes (une dizaine de salariés ayant eu gain de cause face à Arc-en-Ciel). Autre nouveauté : le marché impose une obligation de moyens, là où sa précédente version n’imposait qu’une obligation de résultat. Cette clause permettra à SU de contraindre l’entreprise à répondre en cas de manquement constaté sur la prestation ou sur le respect des régles de prévention des risques professionnels.

Nous qui insistons depuis des années sur la responsabilité de l’université vis-à-vis des conditions de travail des salariés d’entreprises sous-traitantes, ne pouvons que saluer la nouvelle attitude de l’administration. Nous sommes soulagé-es de voir partir Arc-en-Ciel, société connue pour battre des records en termes de pratiques douteuses voire illégales. Cependant, il est notoire que la violation systématique du droit du travail constitue la norme, et non l’exception, dans le secteur de la sous-traitance du nettoyage. Cela introduit un sérieux doute, même avec la meilleure volonté du monde, sur la réelle possibilité pour SU d’assurer aux salariés du nettoyage la garantie que leurs droits élémentaires seront enfin respectés.

Qu’est-ce que l’entreprise SAMSIC ? Celle-ci a été fondée en 1986 par Christian Roulleau, un ancien cadre de l’entreprise de propreté GSF. Aujourd’hui, la famille Roulleau, propriétaire de SAMSIC, est classée 152ème fortune de France, avec un patrimoine de 850 millions d’euros. Le groupe SAMSIC, intervenant dans la propreté, la sécurité et l’intérim, compte 100.000 salariés dans 25 pays, et la réussite de son fondateur est saluée par la presse économique. L’entreprise arbore la devise « Le capital humain, notre plus grande richesse ».

Une recherche sommaire sur Internet démontre que SAMSIC ne déroge absolument pas aux « standards » de gestion brutale du personnel de nettoyage : prêt illicite de main d’oeuvre, harcèlement moral, licenciements abusifs, manquements aux obligations de sécurité, pression sur les conditions de travail, etc. (voir la section ANNEXES). Ces pratiques sont similaires en tout point à celles des sous-traitants qui se succèdent à Jussieu depuis près de 20 ans (Derichebourg, Labrenne, Arc-en-Ciel).

La fin de l’« expérience » d’Arc-en-Ciel à Jussieu est une occasion manquée de mettre fin au système de sous-traitance du nettoyage, qui pousse mécaniquement à la baisse la rémunération et les conditions de travail du personnel concerné, et rend possibles toutes sortes de manquements à ses droits élémentaires. Nous continuerons donc à dénoncer le recours à la sous-traitance pour toutes les tâches essentielles aux activités de l’université.

STOP à la sous-traitance !

Intégration des agents de nettoyage dans le personnel de SU !


ANNEXES

ANNEXE 1 - Exemples de jugements prononcés contre SAMSIC par les tribunaux français (liste non exhaustive) :

Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 décembre 2017, 15-82.588
Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 décembre 2017, 16-86.244

Ces décisions confirment l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux (chambre correctionnelle), qui retient contre SAMSIC les chefs d’infraction à la réglementation du travail temporaire, infraction à la réglementation relative au contrat de travail à durée déterminée, prêt illicite de main d’oeuvre. SAMSIC est condamnée à 60 000 euros d’amende pour prêt illicite de main d’oeuvre et marchandage.

Cour de cassation, Chambre sociale, 5 mai 2017, 16-13.972
Cour d’appel de Douai, Chambre sociale, 21 octobre 2022, 20/01124
Cour d’appel de Paris, Chambre 6-7, 15 juin 2023, 19/08988

Exemples de condamnations de SAMSIC pour licenciements sans cause réelle et sérieuse, généralement lors de la passation d’un marché.

Cour d’appel de Chambéry, Chambre sociale, 25 août 2023, 22/00157

Condamne SAMSIC pour harcèlement moral envers une salariée ayant réclamé le versement de sa prime annuelle.

Cour d’appel de Rouen, Chambre sociale, 10 novembre 2022, 20/01278

Confirme le jugement des prudhommes condamnant SAMSIC pour manquement à son obligation de sécurité et résultat, envers une salariée ayant subi un accident du travail. L’entreprise Ternett ayant pris la suite de SAMSIC pour la sous-traitance du même site, est condamnée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de la même salariée.

Cour d’appel de Colmar, Chambre 4, 16 septembre 2022, 21/00838

Ce procès, dans lequel la cour ne retient pas la qualification de harcèlement moral, montre néanmoins qu’une salariée de SAMSIC ayant refusé d’établir des attestations à l’encontre de ses collègues dans le cadre d’une procédure aux prudhommes, a conséquemment reçu des pressions, des courriers accusatoires de son employeur, puis subi un changement d’horaires et une mutation imposés.

ANNEXE 2 - Articles de presse et communiqués syndicaux concernant SAMSIC :

Article du Progrès, mars 2022. C’est la troisième fois, en quelques mois, que ces salariées de Samsic Santé et Propreté se mobilisent pour réclamer une amélioration de leurs conditions de travail et un « arrêt immédiat des pressions exercées par leur hiérarchie ».

Article de Révolution Permanente, juin 2023. « [...] ils voulaient changer les plannings aussi en réorganisant les jours de repos, l’amplitude de travail avec des vacations allant jusqu’à 9 heures au lieu de 8 heures, les pauses rémunérées, etc. Tout ça avec l’argument que la direction ne pouvait assumer vu que le montant du contrat signé avec Air France était trop bas. »

Article de l’Est Républicain, juin 2020. Une cadre de SAMSIC à Nancy, humiliée par ses supérieurs devant ses collègues, obtient 120.000 euros d’indemnisation pour harcèlement moral.

Voir aussi :