Accueil > Actualités > Vadémécum à l’attention des enseignant⋅es de Clignancourt : sois prof et (...)
Vadémécum à l’attention des enseignant⋅es de Clignancourt : sois prof et tais-toi !
vendredi 16 mai 2025
Le 27 mars, un vadémécum relatif à la sécurité et la sûreté du site réalisé à l’attention des enseignants de Clignancourt par la Direction Générale de la Faculté des Lettres « avec la contribution active de certains enseignants » a été envoyé via mail aux enseignant.e.s de Clignancourt. Ce vadémécum, ainsi que sa version destinée aux étudiant⋅es, sont joints à ce communiqué.
Le texte porte sur le blocage d’un site universitaire, les responsabilités et les pouvoirs de la présidente de l’université en cas de perturbations et les conséquences sur la réponse à apporter aux situations les plus courantes.
Structuré à partir d’extraits du Code de l’éducation et du Règlement intérieur de Sorbonne Université, ce document cherche à dicter aux enseignant.e.s la conduite à suivre lorsque les étudiant.e.s s’organisent pour s’exprimer politiquement au sein de l’établissement.
De cette manière, le vadémécum met en avant les prérogatives de l’institution ainsi que la légitimité des sanctions disciplinaires « et éventuellement des poursuites civiles et pénales » à l’encontre de celleux qui ne les respectent pas : le blocage serait illégal ; la présidence aurait le droit de faire appel à la force publique, d’exclure les « perturbateurs » et de fermer l’université ; l’accès au bâtiment serait restreint à celleux qui possèdent une carte ; aucune réunion libre ne pourrait avoir lieu dans l’enceinte universitaire sans autorisation de la présidence ; tout affichage ou tractage en dehors des espaces dédiés et des organisations reconnues serait interdit.
Sous la forme d’un rappel du cadre légal, ouvertement interprété de la manière la plus restrictive, le vadémécum constitue une invitation aux enseignant.e.s, teintée d’intimidation, à participer individuellement, chacun.e face à leurs étudiant.e.s, à la désarticulation et à la répression du mouvement social. Malgré ce légalisme, certaines consignes avancées empiètent sur la liberté académique des enseignant.e.s, quelques exemples :
« L’enseignante ou enseignant doit signifier clairement et calmement aux étudiantes et étudiants mobilisés qu’il / elle ne mettra pas fin à son cours, et peut simplement laisser celles et ceux qui le souhaitent rejoindre la mobilisation, tout en poursuivant son cours avec celles et ceux qui veulent rester. »
« Il est précisé que lorsque les enseignants décident d’annuler leurs cours lors du passage des étudiants bloqueurs, cela génère un mouvement d’étudiants supplémentaires qui accentue les problématiques de sûreté des campus »
« Un DST ne peut être annulé à la suite de l’irruption dans la salle de classe d’étudiantes et d’étudiants mobilisés [en rouge, en gras et encadré sur le document] »
« Les personnes ne souhaitant pas composer et préférant rejoindre les étudiantes et étudiants mobilisés ont la note non-éliminatoire de 0. »
Cette initiative de la Direction Générale de la Faculté des Lettres semble donc incompatible avec la défense du principe de liberté d’enseignement, de l’esprit critique et du débat contradictoire - affichée régulièrement par elle-même comme une valeur essentielle de l’Université.
A l’inverse, ce texte s’inscrit bien dans le contexte actuel de « trumpisation » grandissante de la vie politique et sociale, et ce d’autant plus que la mobilisation des étudiant.e.s au cours de cette année s’est principalement axée autour de la solidarité avec le peuple palestinien victime de génocide, et contre les coupes budgétaires prévues pour la prochaine rentrée universitaire. Ces sujets concernent les enseignant.e.s au premier chef, et iels ont été interpellé.e.s collectivement par les étudiant.e.s afin de participer à une réflexion commune, dans le but d’organiser des prises de position et des actions de l’ensemble du corps universitaire.
Sans le dire explicitement, le vadémécum fait porter la responsabilité des fermetures à répétition du site de Clignancourt sur les étudiant.e.s mobilisé.e.s, et indirectement sur les enseignant.e.s qui ne respecteraient pas les règlements. Pourtant, les fermetures de Clignancourt ont été, pour la plupart, décidées par l’administration, sans donner d’explication au reste de la communauté universitaire, ni en amont ni en aval de ces fermetures.
Nous revendiquons une université ouverte à toutes et tous, et à tous les débats. Une université qui ne tourne pas le dos à ses étudiant-es lorsqu’iels s’engagent dans des causes aussi légitimes que la défense du budget de l’éducation, ou celle d’un peuple menacé de génocide.
SUD - IDÉES Sorbonne Université