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SUD commémore : La Commune de 1871

mercredi 17 mars 2021

Il y a 150 ans, comme un, Commune...

SUD Education SU, mars 2021

Voir ci-dessous les RDV des commémorations unitaires parisiennes

- Comment rendre hommage à la Commune de 1871 en quelques phrases ?

Disons que la IIIème République a commencé par une manif populaire qui a forcé les portes de l’Assemblée...

4 septembre 1870. Depuis la défaite de Sedan deux jours plus tôt, Napoléon III est prisonnier des Prussiens. Une manifestation populaire envahit le Palais-Bourbon, et emmène de force les députés de gauche à l’Hôtel de Ville pour proclamer la République. Dès le lendemain, le peuple de Paris, organisé en comités de vigilance, forme le Comité central des vingt arrondissements, et réclame la « guerre à outrance », et la « levée en masse » d’un nouvelle armée pour défendre la République contre l’occupant. Le gouvernement, quant à lui, n’applique pas ces mesures : il prépare un armistice. Paris est assiégé le 18 septembre.

Disons qu’au départ, les chances de survie de cette République étaient plutôt maigres...

Début mars 1871. Les Allemands sont entrés dans Paris. L’Assemblée récemment élue est à 2/3 monarchiste « grâce » aux voix provinciales – seuls les élus républicains étaient hostiles à la capitulation, signée en février. Des mesures strictes se sont abattues sur le peuple parisien, qui subit le siège de plein fouet : fin du moratoire sur les loyers et les dettes des petits commerces, suppression de l’indemnité de 30 sous par jour pour les gardes nationaux, fermeture de journaux et de clubs de réunion, arrestations... S’élevant contre le désarmement de Paris, les bataillons de la Garde Nationale forment un Comité central.

Disons que le peuple refusait de déposer les armes...

18 Mars 1871. Un détachement militaire venu de Versailles tente d’enlever les canons stationnés à Belleville et Montmartre. Ces canons, les Parisiens les ont payés de leur poche, par souscription : ils s’interposent pour empêcher leur enlèvement. La troupe fraternise avec le peuple, et les généraux Lecomte et Thomas, ayant commandé le feu contre des civils, sont fusillés. Le Comité central de la Garde Nationale s’installe à l’Hôtel de Ville. C’est le début de l’insurrection. Le gouvernement, refusant toute conciliation, rassemble une armée à Versailles, et débute l’offensive par l’Ouest de Paris. La Garde Nationale organise la défense de Paris.

Les canons de Montmartre
Barricade à l’entrée de la rue de la Roquette, place de la Bastille, mars 1871
Disons que la démocratie n’était pas pour ces gens un vain mot...

28 mars 1871. Malgré la guerre civile et la fuite de 100.000 bourgeois, des élections sont organisées, avec la participation de 40 % des inscrits, et la Commune de Paris est proclamée. L’une de ses premières mesures est l’abolition de l’armée permanente. La Garde Nationale en est l’antithèse, c’est bel et bien le peuple en armes : ses bataillons, suivant leur quartier d’origine, sont formés d’artisans, ouvriers, employés, médecins, notaires, journalistes, etc, qui s’y engagent librement, et élisent leurs officiers. Par ailleurs, les « clubs » organisent des réunions publiques dans des églises ou des salles de spectacle : la présence populaire y est massive (plusieurs milliers de participants chaque soir), et on ne se prive pas de discuter et critiquer les décisions du conseil communal. Les élus, au mandat révocable, sont ainsi soumis à la critique, et parfois à l’action directe, du peuple qui les a désignés. Certains élus municipaux voient même leur démission refusée par les électeurs, au nom du respect de leur mandat !

Disons, comme Roger Martelli, que « la Commune a mis au centre de son action des valeurs démocratiques et sociales qui n’ont pas pris une ride depuis 1871 » ...

Mars-Avril 1871. Séparation de l’Église et de l’État, enseignement laïc, gratuit et ouvert aux filles, rétablissement du moratoire sur les loyers, réquisition des logements vides, suppression du travail de nuit et des retenues sur salaires, instauration d’un traitement maximum (6000 F/an) pour les fonctionnaires municipaux, mariage libre par consentement mutuel, union libre, enfants légitimes reconnus de droit, liberté de la presse, suppression des bureaux de placement, ateliers gérés par les ouvriers eux-mêmes... Les décrets de la Commune mettent en œuvre concrètement la République Sociale, à un rythme et avec une vigueur qu’aucun gouvernement n’a atteints depuis ! Penchons-nous sur les mesures prises par la Commission de l’Enseignement : embauche d’institutrices et instituteurs laïcs, augmentation de leur salaire, égalité salariale hommes/femmes... L’enseignement « intégral », qui n’opposait pas travail manuel et travail intellectuel, était promu. Les ambitions de la Commune en matière d’enseignement sont bien résumées dans cet extrait d’article du journal « Le Vengeur » , du 7 mai 1871 : « Il faut, enfin, qu’un manieur d’outil puisse écrire un livre, l’écrire avec passion, avec talent, sans pour cela se croire obligé d’abandonner l’étau ou l’établi. Il faut que l’artisan se délasse de son travail journalier par la culture des arts, des lettres et des sciences, sans cesser, pour cela, d’être un producteur. ». La Fédération des artistes, quant à elle, se charge d’organiser la réouverture des musées !

Affiche du 23 avril 1871
Louise Michel à Nouméa, par Firmin Bouisset
Marie Ferré, Louise Michel et Paule Mink
Disons que les femmes se sont engagées activement dans cette révolution sociale...

11 Avril 1871. L’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés est fondée : c’est la première organisation féministe apparue en France. L’écrivaine André Léo, l’ouvrière relieuse Nathalie Lemel, la couturière Marceline Leloup, la militante internationaliste Elisabeth Dmitrieff, font partie de son comité exécutif. Des chambres syndicales de métiers féminins sont formées. L’Union des femmes revendique l’égalité dans le mariage, dans le travail, et... dans la participation au combat armé : les femmes vont donc porter les armes pour défendre la Commune – certaines barricades, comme celle du bas de Montmartre le 23 mai, seront tenues par des femmes.

Disons que la Commune n’a pas été une, mais multiple, et pourtant unie dans la lutte...

Mai 1871. Lissagaray relate une réunion publique au Cirque d’Hiver, où des opinions radicalement opposées sont représentées dans le public populaire, mais s’expriment pourtant dans un respect total, chaque orateur étant écouté tour à tour, sans interruption, par plusieurs milliers de participants. Blanquistes, jacobins, socialistes, proudhoniens, internationalistes, anarchistes, républicains « sans étiquette »... des protagonistes de tous horizons ont pris part à la Commune. Des débats houleux ont secoué les séances du conseil communal et les réunions publiques des clubs, mais un furieux désir de défendre à tout prix la République Sociale servait de trait d’union entre toutes les tendances. Un peu partout en France, des Communes sont proclamées, devançant Paris ou suivant son exemple : Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Narbonne, Limoges, Saint-Etienne, Le Creusot, Rouen, etc.

Disons que l’État a mis fin à « l’expérience » par un massacre...

21 Mai 1871. Les troupes versaillaises entrent dans Paris. Les barricades ne font que ralentir leur progression vers l’Est. Les soldats ont carte blanche pour traquer et fusiller tout individu soupçonné d’avoir pris part à l’action de la Commune : « Le sol de Paris est jonché de leurs cadavres. Ce spectacle affreux servira de leçon, il faut l’espérer, aux insurgés qui osaient se déclarer partisans de la Commune. » (Thiers). Environ 30.000 personnes, hommes, femmes, enfants, sont assassinées en sept jours : la Semaine Sanglante. Les cadavres sont enfouis à la hâte dans des fosses communes. On fait des prisonniers, on les parque au camp de Satory, et ils sont « jugés » sommairement par des conseils de guerre. Ceux qui ne sont pas condamnés à mort sont envoyés au bagne, en Nouvelle-Calédonie.

« La Barricade » par Edouard Manet
Disons que la Commune n’est pas morte...

Louise Michel, Nathalie Lemel, Jules Vallès, Eugène Varlin, Jean-Baptiste Clément, Auguste Blanqui, Charles Delescluze, Jarosław Dombrowski, Edouard Vaillant, Prosper-Olivier Lissagaray, Elisée Reclus, Gustave Courbet, Victor Hugo, Karl Marx, Michel Bakounine... celles et ceux qui ont participé à la Commune ou qui l’ont défendue, nous laissent un précieux héritage, par leurs actes et par leurs mots. La Commune de 1871, malgré sa brièveté, malgré son écrasement impitoyable par l’État, a sonné comme une déflagration à travers le monde : l’irruption, la possibilité, d’un authentique gouvernement populaire. De nombreux mouvements révolutionnaires l’ont prise comme référence au long des décennies qui ont suivi, des grèves ouvrières nord-américaines des années 1890-1900 aux Communes paysannes ukrainiennes de 1919-1920, des conseils ouvriers de Russie en 1917 à ceux d’Allemagne en 1920.

Aujourd’hui, plus que jamais, le capitalisme nous plonge dans ses crises incontrôlables : il maintient une grande partie de l’humanité dans une existence matérielle précaire, il menace de rendre invivable notre environnement à tous. La Commune résonne toujours comme un signe d’espoir pour celles et ceux qui, toutes tendances confondues, luttent contre ses méfaits, et pour enfin en sortir.

Dessin d’Ernest Pignon-Ernest
Affiche de Fred Sochard
https://fredsochard.com/

Vive la Commune !

Les rendez-vous des commémorations unitaires :

  • Jeudi 18 mars 14h-16h : Commémoration du début de la Commune - Parcours de la Bastille à l’Hôtel de Ville, organisé par les Amis et Amies de la Commune de Paris
  • Samedi 29 mai : Appel à une manifestation festive et populaire au Mur des Fédérés (Père Lachaise)
    [Appel unitaire en préparation]

Livres

  • Histoire de la Commune de 1871, Prosper-Olivier Lissagaray
  • La Commune, Histoire et Souvenirs, Louise Michel
  • L’insurgé, Jules Vallès
  • La Commune de Paris au jour le jour, Elisée Reclus
  • Viro Major (poème en hommage à Louise Michel), Victor Hugo
  • Le cri du Peuple (Bande dessinée), Tardi
  • Regard d’un Parisien sur la Commune : Photographies inédites de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Jean Baronnet
  • Le temps des cerises : La Commune de Paris en photographies, Johan Pas et Jean Baronnet
  • Une autre Histoire de la Commune de Paris, Henri Guillemin (livre + vidéos)

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